École primaire de Gando, au Burkina Faso (2001). Photo d’Erik-Jan Ouwerkerk
Alors qu’il travaillait encore à l’obtention de son diplôme, Francis Kéré a collecté 50 000 $ pour créer son premier bâtiment, celui de l’école primaire de Gando (sur la photo), dans son village natal. Il a conçu et construit le bâtiment avec l’aide des membres de la communauté, utilisant principalement des briques faites d’argile rouge locale.
Cette structure a valu à Francis Kéré le prix prestigieux Aga Khan Award d’Architecture en 2004 et a été un tremplin pour la création de son agence, Kéré Architecture à Berlin, l’année suivante.
Francis Kéré a continué à construire des écoles, ainsi que des infrastructures de santé et des espaces communautaires, à travers le Burkina Faso, le Kenya, le Mozambique et l’Ouganda. Ses constructions permettent de dispenser une éducation scolaire aux enfants, des traitements médicaux et des formations professionnelles aux adultes, contribuant ainsi à renforcer les communautés.
« Une bonne architecture au Burkina Faso est une salle de classe où l’on peut s’asseoir, avoir une lumière filtrée, faire entrer les outils que l’on souhaite utiliser, un tableau noir ou un bureau », explique Francis Kéré. « Comment pouvons-nous enlever la chaleur du soleil, mais utiliser sa lumière à notre avantage ? Créer un climat et des conditions de confort de base permet un véritable enseignement, apprentissage et une application. »
École primaire de Gando, au Burkina Faso (2001). Photo d’Erik-Jan Ouwerkerk
Dans l’école de Gando, un toit en surplomb surélevé permet à la chaleur de s’évacuer à travers un plafond en briques. Francis Kéré a utilisé les matériaux de construction restants pour fabriquer des meubles présents dans les intérieurs.
« L’ensemble de l’œuvre de Francis Kéré nous montre le pouvoir de la matérialité ancré localement », a déclaré le jury du prix Pritzker dans son annonce. « Ses bâtiments, pour et avec les communautés, sont directement issus de ces communautés, dans leur fabrication, dans leurs matériaux, leur programme et leur caractère unique. Ils sont liés au sol sur lequel ils sont assis et aux personnes qui s’assoient à l’intérieur. Ils ont une présence sans prétention et un impact façonné par la grâce. »
École primaire de Gando, au Burkina Faso (2001). Photo d’Erik-Jan Ouwerkerk
Ici, les enfants se tiennent devant l’école de Gando. Les murs et plafonds sont faits d’argile rouge extraite sur place et pressée en briques.
Xylem dans le Montana (2019). Photo de Francis Kéré
En plus de son travail dans toute l’Afrique, Francis Kéré a conçu des structures aux États-Unis. Xylem, que l’on voit sur la photo, est un espace dédié aux concerts situé au sein du Tippet Rise Art Center dans le Montana, au nord du Yellowstone National Park. Sa conception s’inspire des zones de récolte de bois et de paille que l’on trouve dans les villages burkinabés.
Xylem est fait de rondins de bois en pin brut local et durable, regroupés en faisceaux circulaires dans une structure métallique hexagonale modulaire.
Sarbalé Ke (2019) à Indio, Californie. Photo d’Iwan Baan
Pour une installation temporaire lors du Coachella Valley Music and Arts Festival de 2019 à Indo, en Californie, Francis Kéré a conçu des tours en acier inspirées des baobabs, arbres originaires de son pays natal. Les panneaux triangulaires roses, orange et bleus ont vocation à imiter les couleurs des levers et couchers de soleil.
L’Institut des Technologies du Burkina Faso, Phase I (2020) à Koudougou. Photo de Francis Kéré
L’air circule dans la cour centrale, offrant aux étudiants un espace de rassemblement confortable. Les murs en argile, fabriqués sur place, aident à maintenir les intérieurs frais. Des troncs d’eucalyptus bordent les toits inclinés en tôle ondulée. Des réserves souterraines collectent l’eau de pluie, qui est utilisée pour irriguer les plantations de mangues sur la propriété.
« Sa sensibilité culturelle ne délivre pas seulement une justice sociale et environnementale, mais guide l’ensemble de son processus, conscient qu’il s’agit de la voie vers la légitimité d’un bâtiment dans une communauté », a déclaré le jury. « Il sait, de l’intérieur, que l’architecture n’est pas une question d’objet, mais d’objectif : pas le produit, mais le processus. »
Parc National du Mali (2010) à Bamako. Photo de Francis Kéré
En 2010, Francis Kéré a réaménagé huit installations existantes du Parc National du Mali, situées entre le Musée National du Mali et le palais présidentiel. L’une des constructions en pierres locales, que l’on voit sur la photo, se trouve au sommet d’une formation rocheuse. Détaché, le large toit en surplomb facilite le refroidissement passif.
« Le travail de Francis Kéré nous rappelle la lutte nécessaire pour changer les modes de production et de consommation, alors que nous nous efforçons de fournir des bâtiments et des infrastructures adéquats à des milliards de personnes dans le besoin », a déclaré le jury. « Il soulève des questions fondamentales sur le sens de la permanence et de la durabilité de la construction dans un contexte d’évolutions technologiques constantes, d’utilisation et de réutilisation des structures. En même temps, son humanisme contemporain fusionne avec un profond respect de l’histoire, de la tradition, de la précision, des règles écrites et non écrites. »
Le pavillon de la Serpentine Gallery (2017) à Londres. Photo d’Iwan Baan
Le pavillon de la Serpentine Gallery de Francis Kéré est une structure contemporaine des Kensington Gardens de Londres. La structure centrale et autonome est inspirée de la forme d’un arbre. Un vêtement boubou bleu que Francis Kéré a porté pendant son enfance a inspiré les modules indigo qui forment les murs extérieurs incurvés.
Clinique chirurgicale et Centre de santé (2014) à Léo, Burkina Faso. Photo de Francis Kéré
Dix unités modulaires, qui mettent en avant l’utilisation de matériaux locaux et le toit en surplomb caractéristique du travail de Francis Kéré, accueillent la Clinique Chirurgicale et Centre de santé de Léo, au Burkina Faso. L’établissement dispense des services de chirurgie, de maternité et d’hospitalisation par le biais de l’organisation Operieren in Afrika.
Centre de santé et d’action sociale (2014) à Laongo, Burkina Faso. Photo de Francis Kéré
Les bâtiments du Centre de santé et d’action sociale de Laongo, au Burkina Faso, sont faits de murs en argile locale et en pierre de latérite, et les toits sont en bois d’eucalyptus. Des cours ombragées relient trois unités imbriquées, qui accueillent des services de gynécologie obstétrique, dentaire et de médecine générale.
Les logements pour les docteurs de Léo (2019) à Léo, Burkina Faso. Photo de Francis Kéré
Léo Doctors’ Housing accueille des résidents en médecine et des volontaires de la Clinique chirurgicale et Centre de santé de Léo, au Burkina Faso. Les cinq résidences modulaires sont composées de blocs de terre stabilisée comprimés et enduits de plâtre qui aident à se protéger de la chaleur et des intempéries.
Lycée Schorge (2016) à Koudougou, Burkina Faso. Photo d’Iwan Baan
Au Lycée Schorge de Koudougou, au Burkina Faso, neuf bâtiments modulaires entourent un espace communautaire central utilisé pour des spectacles, des célébrations et rassemblements. Le bois d’eucalyptus positionné verticalement forme une clôture et ombrage les espaces pour les étudiants et les enseignants.
« Francis Kéré a compris qu’un objectif apparemment simple, à savoir permettre aux enfants d’aller confortablement à l’école, devait être au cœur de son projet architectural », a expliqué le jury. « Pour une grande majorité du monde, la durabilité consiste à empêcher les pertes d’énergie plutôt que les gains d’énergie. Pour trop de personnes dans les pays en développement, le problème est la chaleur extrême, pas le froid. »
« En réponse à cela, il a développé un vocabulaire architectural ad hoc, hautement performatif et expressif : les doubles toits, la masse thermique, les tours à vent, la lumière indirecte, la ventilation transversale et les chambres d’ombrage (au lieu de fenêtres, portes et colonnes conventionnelles) ne sont pas seulement devenus son noyau stratégique, mais ont en fait acquis un statut de bâtiment digne »
L’Assemblée Nationale du Burkina Faso (en cours) à Ouagadougou, Burkina Faso. Rendering de Kéré Architecture
Ce bâtiment prévu pour l’assemblée nationale burkinabé est destiné à remplacer l’ancien bâtiment du parlement détruit lors du soulèvement de 2014. Il comprendra une structure pyramidale à gradins et à treillis abritant une salle de réunion d’une capacité de 127 personnes.
L’Assemblée Nationale du Benin (en cours) à Porto Novo, République du Bénin. Rendering de Kéré Architecture
L’Assemblée Nationale du Bénin de Francis Kéré est en cours de construction. Sa conception est inspirée des arbres à palabres, qui servent d’espaces de rassemblement dans de nombreuses communautés africaines.
Francis Kéré a été professeur invité à la Harvard University Graduate School of Design et la Yale School of Architecture, et il préside la chaire d’architecture, design et participation de la Technische Universität München (Université Technique de Munich) depuis 2017. Il est membre honoraire du Royal Architectural Institute du Canada et de l’American Institute of Architects, et membre fondateur du Royal Institute of British Architects.
« Francis Kéré est un pionnier de l’architecture — durable pour la terre et ses habitants — dans des territoires d’une extrême pauvreté », a déclaré Tom Pritzker, président de The Hyatt Foundation, qui sponsorise le prix. « Il est à la fois architecte et serviteur, améliorant la vie et les expériences d’innombrables citoyens dans une région du monde parfois oubliée. À travers des bâtiments qui font preuve de beauté, de modestie, d’audace et d’invention, et par l’intégrité de son architecture… Francis Kéré soutient avec grâce la mission de ce prix. »
Le prix Pritzker est décerné chaque année à un ou plusieurs architectes contemporains pour des réalisations importantes dans le domaine. Il a été lancé par la famille Pritzker de Chicago à travers sa Hyatt Foundation en 1979. Le prix consiste en une bourse de 100 000 $ et un médaillon en bronze.
Diébédo Francis Kéré
Diébédo Francis Kéré, qui utilise son second prénom Francis, est né en 1965 au Burkina Faso, l’un des pays les moins éduqués et les plus pauvres au monde, selon une biographie fournie par le comité du prix Pritzker.
« J’ai grandi au sein d’une communauté où il n’y avait pas de garderie, mais où la communauté était notre famille », raconte Francis Kéré. « Tout le monde prenait soin de vous et le village tout entier était notre terrain de jeux. Mes journées étaient occupées par la recherche de nourriture et d’eau, mais aussi par le simple fait d’être ensemble, de parler ensemble, de construire des maisons ensemble. Je me rappelle la pièce où ma grand-mère s’asseyait et racontait des histoires avec une petite lumière, tandis que nous nous serrions les uns contre les autres et que sa voix à l’intérieur de la pièce nous entourait, nous invitant à nous rapprocher pour former un endroit sûr. Cela a été ma première conception de l’architecture. »
En 1985, il déménage à Berlin grâce à une bourse d’études professionnelles en menuiserie. Il y apprend à construire des toits et des meubles pendant la journée. Le soir, il suit d’autres cours secondaires. En 1995, il reçoit une bourse pour la Technische Universität Berlin (l’Institut de Technologies de Berlin). Il est diplômé en architecture en 2004.