Un hommage aux femmes de l’Est du Congo
Une exposition itinérante et «hors les murs» de photographies des «femmes transporteuses» du Sud-Kivu
Des milliers de femmes de l’est de la République démocratique du Congo (RDC) travaillent en tant que « femmes transporteuses ». Elles font partie du paysage et demeurent invisibles pour la majorité des gens. Mais pour les photographes de Free Advice asbl, elles représentent un symbole : le dos courbé, ces femmes semblent porter le fardeau de la situation sociale, économique et politique de l’est du pays.
Dimanche, 10 heures du matin, sur la route qui mène à Mudaka, un village dans le Sud-Kivu en RDC. Des femmes s’avancent, la tête enserrée par une sangle, le dos courbé sous le poids de fardeaux impressionnants. Ce sont uniquement des femmes, de tous âges, qui se rendent au marché pour y vendre leurs produits.
Un premier groupe de quatre – une fillette, deux femmes, un garçon – s’avance, en file indienne sur le bord de la route. Sur le dos, un haut sac de toile, pareil à une tour blanche d’où émerge le bois noirci retenu par des lanières. Elles transportent du makala, du charbon de bois, produit à partir des arbres des collines autrefois boisées du Sud-Kivu. Un autre groupe s’avance qui, cette fois, porte d’énormes régimes de bananes plantain, un des aliments de base de la population locale. Puis voici un troisième qui, lui, transporte des racines de manioc, un autre ingrédient incontournable. Plus loin, d’autres femmes toujours, dont quelques vieilles mamans, sont courbées sous des ballots regorgeant d’oignons. D’autres supportent de volumineux fagots de bois.
La procession va ainsi durer pendant les premières heures de la journée. Des dizaines, ou plutôt des centaines de femmes vont défiler porteuses de lourdes charges que l’on voit plus souvent, dans d’autres pays, transportées à dos d’animal ou, dans d’autres coins du Congo, transportées sur des camions dangereusement surchargés ou, là où les routes sont impraticables, sur des vélos. Après une ingénieuse transformation, les bicyclettes, chargées de 60 ou même 80 kilos de marchandises, sont poussées avec peine, sur de longues distances, par des hommes.
Ici, pas de porteurs mâles. L’on ne compte que de rares garçons parmi les porteurs. Dès qu’ils seront plus âgés, ils seront dispensés de cette tâche indigne d’un homme. Le partage inégal des rôles masculin et féminin est un apprentissage précoce qui s’effectue non seulement au sein de la famille mais aussi à l’occasion des activités économiques et sociales quotidiennes.
Le poids des charges transportées est évalué à l’aide d’une balance suspendue à un arbre. La moyenne est de 40 kilos. La plus lourde charge enregistrée est de 52 kilos. La petite Amina, une fillette de 12 ans, porte un sac d’oignons de 22 kilos. Interrogées sur la distance parcourue à transporter tous ces kilos, les femmes répondent venir de villages aux alentours de Kalonge, situés entre 40 ou 50 km du marché de Mudaka. Elles disent être parties la veille vers 17h, s’être reposées de 23 à 3h du matin et avoir repris la marche jusqu’au moment où nous les rencontrons à 11h. Ce qui donne un parcours de 14 heures de marche.
À la question de savoir pourquoi les femmes seulement font le portage, la plupart répondent que « c’est la tradition, la coutume, la culture » et que cela fait partie des tâches habituellement réservées aux femmes. D’autres, vendeuses de cosette de manioc, de régimes de bananes, de braises, invoquent des raisons économiques: elles font le portage parce que les conditions de vie sont difficiles.
À la question de savoir pourquoi les hommes n’aident pas leurs femmes au transport des marchandises pour le marché, les intéressés répondent que le transport des produits, surtout des récoltes des champs, est un travail de femmes. L’un ajoute même une explication physiologique : « la tête des hommes n’est pas faite pour transporter et moins encore le dos et ce sont les femmes qui sont destinées et éduquées dès le bas âge à ce genre de transport ».
Un projet de photographies engagé
Eliane Beeson et François Vaxelaire de l’asbl Free Advice sont récemment allés à Bukavu pour la production d’un reportage photographique sur les femmes transporteuses pour L'Observatoire de la Parité, une organisation congolaise qui surveille les progrès de la parité et de l’égalité hommes-femmes à tous les niveaux en RDC.
Ils ont rencontré beaucoup de femmes transporteuses le long des routes et dans les marchés aux alentours de Bukavu, et ont réalisé 100 portraits dans deux entrepôts transformés en studios de photographie improvisés. Les femmes étaient tellement impliquées et le résultat tellement fort, que les photographes ont ressenti le besoin de montrer les images sur place. L’idée naquit de présenter les photographies dans le cadre des activités de clôture de la troisième Marche Mondiale des Femmes, tenues à Bukavu du 13 au 18 octobre 2010. A cette occasion, des centaines de femmes activistes du monde entier se sont rendues dans la capitale de la province du Sud Kivu pour manifester leur solidarité avec les femmes congolaises, promouvoir les droits des femmes et lutter contre la guerre et la pauvreté.
Après Bruxelles, le 10 octobre lors du lancement de la MMF, les portraits grandeur nature des femmes transporteuses ont été exposés à Bukavu dans les différents endroits ou se déroulaient les activité de la MMF et portés tout au long du parcours empruntés par la marche des activistes. Voir le slideshow des portraits ou les photos de l'événement sur le site de Kickstarter une plateforme de collecte de fonds qui a permis le financement partiel du projet, le reste du soutien financier du projet ayant été apporté par le Bureau Genre de la MONUSCO.
Cet évènement fort sert de point de départ à une campagne de sensibilisation sur l’égalité filles / garcons, femmes / hommes « TUGAWE KAZI » organisée par l’Observatoire de la parité qui sera accompagnée d’un large éventail d’activités – spots radio, tables rondes et ateliers sur les stéréotypes liées au genre.
Pour toute information complémentaire ou si vous êtes intéressé par l’organisation de l’Expo photo dans votre localité, contactez:
Free Advice asbl
François Vaxelaire et Eliane Beeson
info@free-advice.be
http://free-advice.be
L’Observatoire de la Parité
Espérance Mawanzo, Directrice
Tél. :+243 9999 41197
contact@observatoiredelaparite.org
www.observatoiredelaparite.org
www.observatoiredelaparite.org